La filière française du bioéthanol exprime ses graves préoccupations sur le sort de l’éthanol dans les discussions en cours sur un potentiel accord tarifaire « zéro pour zéro » entre l’Union européenne et les États-Unis. Le Bioéthanol est un produit agricole sensible dans l’UE et ne doit pas être victime de concessions dans cette négociation.
L’industrie de l’éthanol est d’une importance stratégique pour l’Europe. Elle produit de l’éthanol renouvelable pour les carburants durables et pour de nombreux secteurs industriels utilisateurs (cosmétique, chimie, spiritueux…). Elle soutient l’économie circulaire des sucreries et amidonnerie et contribue à l’autosuffisance protéique de l’UE grâce aux coproduits de la transformation des céréales. Elle fournit des emplois et des opportunités de croissance dans les zones rurales. Cette industrie a joué un rôle important en temps de crise, notamment lors de la pandémie de Covid-19 en produisant massivement de l’alcool pour les gels hydroalcooliques, et lors de la crise énergétique de 2022 en permettant aux automobilistes d’avoir un carburant abordable et produit localement. En France, premier producteur d’éthanol européen, le secteur de l’éthanol représente 12 usines et 12 000 emplois directs, indirects et induits dans l’agriculture, l’industrie et les services.
Dans ce contexte, la filière française du bioéthanol exhorte la Commission et la France à veiller à ce que l’éthanol, produit agricole sensible et une matière première critique pour la bioéconomie de l’UE, ne soit pas inclus dans un accord « zéro pour zéro » avec les Etats- Unis, premier producteur mondial d’éthanol avec une production dix fois supérieure à la production européenne, pour les raisons clés suivantes :
– Les États-Unis bénéficient d’avantages compétitifs majeurs.
Les producteurs américains profitent notamment d’un prix de l’énergie deux à trois fois inférieur et de matières premières agricoles abordables grâce à une règlementation environnementale plus souple et un recours massif aux OGM. De plus, les producteurs américains de bioéthanol bénéficient largement de l’Inflation Reduction Act (IRA) et spécifiquement du crédit d’impôt pour la production de carburant propre de la Section 45Z, leur octroyant jusqu’à 263 € par m³ de subvention. Les droits existants à l’entrée de l’UE contribuent donc à rétablir un certain degré d’égalité entre les conditions économiques des Etats-Unis et de l’UE.
– Les Etats-Unis ont déjà un accès significatif au marché de l’UE.
Grâce à leur environnement favorable et pour écouler leur production excédentaire, les producteurs américains se tournent vers les marchés d’exportation tels que le Canada, le Royaume-Uni et l’UE avec pour conséquence des perturbations massives de ces marchés. Ainsi, malgré l’existence de droits de douanes qui compensent à peine leurs avantages compétitifs, les exportations d’éthanol américain vers l’UE et le Royaume Uni ont atteint près d’un million de tonnes en 2024, faisant des États-Unis de loin le plus grand fournisseur d’éthanol en Europe.
– L’Europe est déjà largement ouvertes aux importations d’éthanol en franchise des droits de Douanes.
Aujourd’hui, environ 900 000 tonnes (1,13 milliard de litres) d’éthanol entrent dans l’UE en franchise de droits. Si l’on ajoute le potentiel accord avec le Mercosur, les importations totales en franchise de droits ou à droits réduits pourraient atteindre 1,64 million de tonnes, soit environ 30 % de la production de l’Union Européenne.
– L’accord entre le Royaume Uni et les Etats-Unis montre que l’industrie de l’éthanol peut disparaître.
Le nouvel accord commercial États-Unis/Royaume-Uni élimine les tarifs douaniers sur les exportations d’éthanol américain vers le Royaume-Uni sur un volume équivalent à la consommation domestique. Immédiatement, les deux principaux producteurs du pays ont menacé de mettre fin à très court terme, sauf soutien public massif, à leur activité au Royaume – Uni .
Un accord commercial portant sur une réduction ou une suppression des droits de Douanes sur l’éthanol américain pourrait entraîner des conséquences similaires et irrémédiables pour l’industrie européenne, et en tout premier lieu l’industrie française, avec la fermeture ou la réduction sensible de l’activité de nombreux sites industriels. Cela porterait également un coup supplémentaire à la compétitivité des sucreries et amidonneries dans les territoires d’implantation. Ces outils industriels sont déjà sous tension, avec des contraintes fortes dans un marché largement ouvert à la concurrence mondiale. La filière française du bioéthanol déplore l’absence d’étude d’impact sérieuse par la Commission européenne prenant en compte les effets cumulatifs des accords signés sur l’industrie, l’agriculture et les milliers d’emplois qui en dépendent.
Pour toutes ces raisons, la filière française du bioéthanol exhorte les institutions de l’UE à exclure l’éthanol de tout accord potentiel « zéro pour zéro » avec les États-Unis. Enfin, la filière française du bioéthanol souligne que tout accord avec les États-Unis doit être transparent, compatible avec l’OMC et soumis à un contrôle démocratique approprié. Le Parlement européen doit être consulté tout au long du processus. Il est essentiel que les secteurs sensibles comme l’éthanol bénéficient de la protection correspondant à leur situation.